Je suis sans voix. Enfin
presque. Ebouriffée, tout au moins.
Vendredi soir en sortant du
boulot, que vois-je, un mot coincé sous l’essuie-glace de ma voiture. Je
rigole, pensant à une plaisanterie de mes collègues et m’attendant à trouver
une pseudo lettre d’amour anonyme avec plein de mots français glissés ici et
là. Du coup j’attrappe la lettre, ne la regarde pas et pars comme si de rien
n’était (très très important l’air posé et détaché, imaginez un seul instant
que le(s) collègue(s) en question soi(en)t en train de pouffer derrière un
buisson).
Etant tout de même sacrément
curieuse, je m’empresse de décacheter la lettre au premier feu rouge, et là…
grosse désillusion. Un mot de l’agence gérant l’immeuble dans lequel mon bureau
est situé, me disant d’un ton particulièrement pète-sec comme ils savent si
bien le faire « Il a été porté à notre attention qu’une voiture verte,
marque truc chouette, modèle machin, immatriculée smurf laisse échapper des
quantités importantes de liquide. Veuillez retirer votre voiture du parking
immédiatement, les dégâts occasionnés par la fuite pouvant être nuisible à
l’environnement. Il est fortement recommandé que vous alliez la porter à
réparer au premier garage venu. ». Bon, pas de panique, la voiture roule
encore, je sais bien qu’elle fuit un peu vu qu’elle est vieille et qu’il arrive
que des gouttes d’huile s’échappent mais tout de même, elle fait un bruit
normal, le moteur ne va pas me tomber sur les pieds dans la minute. Pas trop
rassurée quand même, je m’arrête dans la première station service pour vérifier
l’huile. Rien de vraiment inhabituel, j’en rajoute tout de même par acquis de
conscience, rentre chez moi et décide d’occulter l’événement jusqu’au lundi
matin.
Les soucis ont donc commencé
en arrivant au bureau ce matin : que faire, garer la voiture que je n’ai
pas fait réparer sur le parking du bureau au risque de la voir partir à la
fourrière, la garer sur la rue là où je n’ai toujours pas réussi à comprendre
si c’était permis ou non au risque de la voir partir à la fourrière… En
désespoir de cause je me gare dans ma place habituelle, mets un mot sur le
pare-brise indiquant que j’ai pris rendez-vous pour la faire réparer, et prends
bien soin de mettre les numéros de téléphone où me joindre en bas de page. Je
récupère la lettre source de tous ces ennuis d’un air vengeur, la relis pour
avoir une bonne raison de pester, et là, tout en bas de la page, je lis un PS
qui m’avait jusqu’ici échappé : « Prière de passer au consulat
britannique pour rendre l’accent ». ??? Récapitulons, il est 7h30 du
matin, lundi, il pleut, aucune envie d’aller bosser, et je dois en plus gérer
ces problèmes de voiture et de parking ce qui me gonfle terriblement. Je ne
fais donc que peu de cas de ce PS, monte au bureau, et appelle le garage qui ne
répond pas. Histoire de garder un sens des priorités dans toute cette galère,
je vais chercher le rituel café du matin avec une amie, et lui montre la lettre
d’un air exaspéré et bien embêté, tout en lui disant que je ne comprends rien à
ce PS surréaliste. Et étonnamment, le fait de lui montrer la lettre et de lui
dire que ce PS est complètement idiot a commencé à doucement éclaircir le
brouillard qui embrumait mon cerveau. Je me suis donc mise à scruter la lettre,
et j’ai découvert que l’adresse en bas de page ne voulait rien dire :
« Réalité du Concern » (texto), « 84me rue
du Faux » (encore texto, pas en anglais ni rien), « www.napoleonproperties
», et des numéros de téléphone complètement bidons. Nom de nom de nom de nom. Vous
y croyez, vous ?
Je suis quand même allée
demander à la réceptionniste de me montrer un mémo type de l’agence, et les
deux sont identiques à part le bas de la lettre qui montre bien à quel point
mes collègues se sont foutus de moi. A partir de ce moment-là le stress de la
voiture embarquée à la fourrière s’est évaporé pour laisser place à une
alternance d’éclats de rire devant l’habileté de la combine, et de pestage en
règle devant leur perversité… et ma naïveté. Je crois que je vais continuer à
grommeler pendant une bonne semaine, mais tout de même… Bien joué.